Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/505

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
501
HÉRICOURT. — la graphologie

le secours de quelque appareil enregistreur très sensible, et il se trouve que, dans l’acte d’écrire, le papier sur lequel la plume se promène est précisément cet appareil enregistreur.

Il semble donc qu’on puisse accorder, dès maintenant, qu’il n’y a aucune prétention étrange à vouloir déchiffrer dans une écriture quelques-uns au moins des traits caractéristiques de la personnalité de son auteur ; et la graphologie ne se présente plus que comme l’étude d’une série des manifestations inconscientes de la personnalité en général, soit l’étude des signes qui la rendent sensible par le mécanisme de l’écriture.

Cependant, la graphologie a fait sourire les gens graves, ceux-là même qui d’ailleurs ne feraient aucune difficulté à concéder qu’il y a autant d’écritures différentes que d’individus, malgré le petit nombre des modèles étudiés ; que l’écriture se modifie et se transforme avec l’âge, selon l’état de santé ; qu’elle a une physionomie, qu’elle est belle ou laide, indépendamment de ses qualités calligraphiques ; qu’en somme, elle plaît ou déplaît, et que souvent, d’instinct, on y cherche vaguement un portrait moral de ceux dont elle émane.

Ce qui a été ainsi dès longtemps pressenti par cette sorte de divination qui toujours précède l’acquisition des connaissances exactes, peut être aujourd’hui l’objet d’une étude, toute d’observation, dont les résultats n’ont, pour prouver leur valeur, qu’à être soumis au contrôle de l’expérience, et qui a son fondement dans les faits les plus simples et les moins contestables de la physiologie, à savoir la production d’une activité nerveuse en excès sous l’influence du travail de l’idéation, et son écoulement au dehors par le canal de la contraction musculaire.

On sait que les sentiments expansifs, que le sens intime d’une vitalité exubérante, que la joie, particulièrement, se traduisent au dehors par le besoin de faire des gestes amples, de courir ou de sauter, de chanter dans une tonalité élevée, tous mouvements qui laissent échapper la force à plein canal ; et on pourrait affirmer, à priori, que les mouvements de la main du scripteur traduiront également, par leurs caractères variables, les divers états d’exaltation ou de dépression dont il sera coutumier.

L’observation a confirmé cette prévision, et, en ce sens, la graphologie se présente comme une des études les plus attachantes et les plus fructueuses parmi celles qui constituent le vaste domaine de la psychologie physiologique.

Pressentie et esquissée par Lavater, l’abbé Flandrin et le Père Martin, elle est due presque tout entière à l’observation attentive et