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sagace de l’abbé Michon, mort il y a quelques années, et à qui on doit encore un certain nombre d’œuvres marquées au coin d’une philosophie originale, et qui eurent leur moment de célébrité.

Malheureusement, il faut l’avouer, M. Michon, comme d’ailleurs ses devanciers et ses continuateurs, manquait un peu de psychologie, et beaucoup de physiologie : l’œuvre a donc été gâtée par son cadre, et il n’en fallait pas plus pour provoquer et autoriser le sentiment de misonéisme qui accueille tout ce qui sort des choses admises.

La graphologie a donc besoin d’être présentée aux philosophes et aux médecins : elle mérite, pensons-nous, qu’on lui fasse l’honneur de quelque attention, et, en retour, elle gagnerait beaucoup à être reprise et continuée par des physiologistes et des psychologues.

Notre seul but est de provoquer cette attention, et pour y atteindre, nous pensons ne pouvoir mieux faire, après les considérations générales qui précèdent, que chercher à établir, par des exemples typiques, que les signes dont la connaissance et l’interprétation constituent la graphologie, sont bien la traduction graphique des mouvements inconscients qui, dans le geste, manifestent extérieurement la personnalité et la caractérisent.

Mais avant d’aborder cette démonstration, et pour la faciliter, nous insisterons encore sur quelques particularités de la nature des gestes qui accompagnent le discours parlé. Les observations qui vont suivre n’ont rien de nouveau, d’ailleurs, et nous ne les rappellerons que pour légitimer nos conclusions.

II

Il n’est personne qui n’ait été frappé par la profonde individualité avec laquelle certains orateurs occupent la tribune. L’un est reconnaissable à la sobriété du geste, qui est lent, rare, limité dans l’espace ; l’autre, au contraire, a des mouvements vifs, incessants, d’une ampleur exubérante. Chez celui-ci, les bras se meuvent comme par la détente brusque d’un ressort, et les gestes, qui semblent affectionner la ligne droite, ont quelque chose de carré, d’anguleux, tandis que chez celui-là, les mouvements sont doux, onctueux, se dessinent suivant des courbes gracieuses, et font songer à des caresses.

Ces particularités, si sensibles chez l’orateur dont la mimique, comme celle du comédien, est exagérée pour l’optique de la scène, se retrouvent, en somme, chez chacun de nous, et lui constituent une bonne part de sa personnalité apparente. Le jeu de la physio-