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HÉRICOURT. — la graphologie

nomie, les mouvements des membres, au même titre et pour les mêmes raisons que l’intonation, sont autant d’éléments intimement liés dans l’expression parlée des idées et surtout des sentiments. Ce sont pour les mots des auxiliaires qui suppléent à ce qu’ils ont d’insuffisant pour le rendu de l’idée, en même temps qu’ils constituent à l’émotion un langage qui lui est propre.

Quand, au lieu d’une personne qui parle, il s’agit d’une personne qui écrit, ce même besoin de traduire au dehors l’état intime, cette même nécessité d’un écoulement du trop-plein de l’activité nerveuse disponible se font encore sentir, et la mimique, concentrée en quelque sorte dans les mouvements limités du poignet et des doigts, se trouve transformée. On verra que ces mouvements, dont les qualités sont variables à l’infini, témoignent, par la richesse des traits qui en dérivent, des inépuisables ressources que possède l’organisme pour manifester son activité.

Le portrait qui en résulte a, d’ailleurs, quand il s’agit de l’écriture, deux qualités importantes : il est fixe, et il est sincère. En effet, l’homme qui parle est rarement exempt d’une certaine pose ; chez l’avocat, on le sait, il y a même une simulation complète, dont le jeu étudié a précisément pour objectif d’en imposer aux auditeurs, et de faire naître chez eux, par le procédé de la contagion de l’exemple, des sentiments qui sont le but même de la plaidoirie. Au contraire, quand on tient une plume et qu’on se sait seul, c’est bien le fonds même de l’individu qui se dessine sur le papier, avec toutes les nuances caractéristiques de son intelligence, de sa sensibilité, de sa volonté, de son caractère.

Car, de même qu’on observe, chez celui qui parle, toute une série de mouvements qui reviennent toujours les mêmes, quelles que soient l’idée et la passion qui animent l’orateur, et qui forment le fonds sur lequel vient broder et faire ses variations la mimique des situations pathétiques exceptionnelles, ainsi, chez tout scripteur, il se rencontre un ensemble de mouvements de la plume qui lui sont propres, qui constituent la personnalité de son écriture, et qui sont intimement liés à la manière d’être de son activité nerveuse. Les états passagers, sans cesse variables, qui agitent la surface du caractère sans en troubler le fond, pourront légèrement modifier les traits graphiques habituels, mais ceux-ci resteront toujours avec leur type caractéristique, avec leur note dominante.

Nous sommes donc amené à rechercher, d’une part, quelle est la nature des principaux mouvements qui constituent la mimique du discours, et parallèlement, de quelles particularités individuelles ils sont les signes ; et d’autre part, ce que deviennent ces mouvements,