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HÉRICOURT. — la graphologie

logie pourrait être consultée avec profit : car ses observations, venant démontrer que les états dont il s’agit n’ont point un unique signe caractéristique, mais résultent toujours de l’association de deux ou plusieurs états primitifs, élémentaires, réalisent une sorte de dissection fine qui matérialise l’analyse psychologique.

C’est en procédant ainsi qu’on peut voir, et voir de ses yeux, que la susceptibilité est le résultat de la combinaison de l’orgueil et d’une grande sensibilité ; que la vanité naît de l’orgueil uni à la vulgarité ; que la cruauté a son origine dans la triple association d’une intelligence très médiocre, d’une sensibilité nulle et d’une volonté énergique ; que l’emportement est parfaitement compatible avec la douceur, quand elle est unie à une volonté autoritaire et à une imagination vive ; que la tendance au vol est le fruit de l’égoïsme et de l’hypocrisie combinés ; etc., etc.

La connaissance des résultantes, par la recherche de leurs signes associés, c’est-à-dire de leurs éléments, est un des côtés les plus intéressants de la graphologie, et bien fait pour montrer comment cette étude, née peut-être du désir curieux de dévoiler telle personnalité en particulier, pourrait, maniée par un psychologue attentif et délicat, lui faire découvrir certains éléments constitutifs méconnus de la personnalité en général.

Enfin la pathologie elle-même trouverait dans la graphologie des signes diagnostiques. Pour n’en prendre qu’un exemple, l’observation a montré que dans les maladies du système nerveux central, quand il s’agit seulement d’une lésion des organes de transmission et d’exécution, les traits graphiques ne sont altérés que dans leur netteté : l’écriture est alors plus ou moins tremblée, hésitante, ou surchargée de traits involontaires. Mais quand les centres psychomoteurs sont atteints, quand il s’agit d’une maladie de la corticalité cérébrale elle-même, alors le désordre des idées qui en résulte se traduit par des lettres monstrueuses, dont la nature est précisément en rapport avec la forme morbide de la fonction : ainsi, un paralytique général qui n’en sera qu’à cette première période caractérisée par des idées ambitieuses, période compatible encore avec l’apparence de la raison, sera surpris à intercaler dans ses mots de hautes majuscules, de forme bizarre.

Certains assassins, dont l’écriture présentait cette particularité, et qui d’ailleurs ont été exécutés, n’étaient vraisemblablement que des aliénés méconnus. Ne serait-il pas oiseux, après ce qui précède, de discuter la question de l’écriture simulée, dessinée de tous points d’après un modèle donné en dehors de la calligraphie, dont les caractères sont indif-