Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/548

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
544
revue philosophique

que le prédicat de la réalité. Ceci dérive de la définition même du jugement donnée plus haut : Le jugement est l’attribution d’un contenu idéal à la réalité. Il est incontestable que S est une idée, que P en est une autre, leur ensemble S est P est un contenu idéal, cet ensemble forme donc le véritable prédicat du véritable jugement. L’identité qui est affirmée dans le jugement est celle du sujet réel qui se retrouve sous les apparences multiples de son prédicat. En ce sens, chaque jugement affirme ou l’identité qui persiste sous les différences, ou la diversité qui est vraie de tout sujet. La vérité résulte de l’attribution exacte de la synthèse grammaticale au sujet réel.

L’auteur passe ensuite à des considérations sur le développement de la fonction de juger et reconnaît avec raison que le jugement est la dernière acquisition de l’esprit. Il soulève le problème intéressant de l’existence du jugement chez les animaux et s’attache à démontrer que la doctrine de l’association ne peut expliquer aucun état mental, même le plus inférieur. Selon lui, aucune expérience n’est particulière, l’animal, l’enfant n’ont que des sensations et des images, et l’image vague et indéfinie qui résulte des expériences passées est certainement un type universel et point du tout quelque chose de singulier. L’auteur s’appuie sur cette donnée pour conclure que l’animal, ni l’enfant ne perçoivent l’individu comme tel. — Il semble qu’il y aurait beaucoup à dire sur ce point et il faut être bien ennemi de l’école de l’association pour ne pas reconnaître qu’une sensation est la chose la plus singulière qui soit possible et qu’une image, toute différente qu’elle soit des expériences passées dont elle forme comme le résidu, est aussi singulière elle-même que les sensations d’où elle vient. Est-ce que les photographies générales de Galton ne sont pas aussi singulières que celles qui ont servi à les former ? — Où l’auteur a plus de raison, semble-t-il, c’est quand il montre que la thèse associationiste ne suffit pas à expliquer l’intelligence et le jugement dans l’homme. Ici en effet nous avons la conscience de nous servir d’un universel qui dépasse l’expérience, comme le dit très bien Bradley. « Les idées sont des faits particuliers, mais comment en usons-nous ? si elles restent particulières, elles sont des faits et non des idées ; si elles étendent ou modifient l’expérience, elles ne sont plus particulières. Or, c’est ce dernier cas qui se réalise dans le jugement.

L’auteur examine maintenant certains problèmes familiers à ceux qui ont suivi la discussion commencée par Herbart. Leur solution est très importante pour la logique moderne. Ces problèmes se rapportent à l’essence du jugement et à ses classifications.

Le jugement affirme quelque chose d’un fait ou d’une réalité. Le jugement peut donc être vrai ou faux. Sa vérité ou sa fausseté n’est pas contenue en lui-même, mais se rapporte à quelque chose d’extérieur. En effet, le jugement actuel affirme que le contenu idéal SP est imposé à nos esprits par une réalité . Et cette réalité, quelle qu’elle puisse être, est le sujet du jugement. Le jugement est donc une assertion qui porte