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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

un même système psychique[1]. Chaque individu en contient plusieurs, comme je l’ai exposé dans un précédent article, qui bien souvent ont entre eux très peu de points de contact. Dans ce dernier cas il arrivera évidemment que des tendances faisant partie de systèmes différents ne tendent ni à s’associer, ni à se combattre. C’est ainsi que bien des savants admettent sans trouble et sans lutte des dogmes religieux contraires à leurs principes et à leurs habitudes d’esprit scientifiques.

Nous voyons donc que nos lois psychologiques, bien qu’étant de véritables lois scientifiques, sont soumises, non pas à des exceptions réelles, ce qui leur enlèverait ce caractère de lois, mais à des exceptions apparentes, comme la loi de la pesanteur qui se manifeste dans le cas du ballon qui s’élève par des phénomènes qui peuvent la masquer à des yeux superficiels. Nous avons à nous demander maintenant quelle est leur portée réelle pour l’explication du caractère.

Elles paraissent s’appliquer plutôt à des caractères déjà formés en grande partie, puisqu’elles formulent les réactions de tendances déjà existantes. Nous pouvons, pour le moment, nous tenir à ce point de vue. Des tendances déjà organisées, en effet, en engendrent d’autres, par leurs réactions mutuelles et sous la pression des circonstances dans lesquelles l’organisme se trouve placé ; les nouvelles réagissent à leur tour et nous assistons ainsi au développement, à l’évolution d’un caractère et de tous les phénomènes qu’il renferme, phénomènes physiologiques, phénomènes intellectuels, phénomènes affectifs, etc. Nos lois suffisent donc à expliquer l’organisation d’un caractère, et son développement en le prenant à partir d’un moment donné, car, alors, toutes les influences que ce caractère peut subir ne peuvent avoir pour effet que de maintenir les tendances, de les développer, de les supprimer, ou d’en faire naître de nouvelles. L’habitude, l’association et la sélection expliquent ces divers processus, pourvu bien entendu que l’on tienne compte des impressions extérieures, car l’organisme à tout moment de son développement est le produit de deux grands facteurs : l’un est l’organisme tel qu’il était au moment précédent, l’autre les conditions d’existence dans lesquelles s’est trouvé alors l’organisme. Si nous prenons un cas quelconque de développement de caractère, nous voyons qu’il s’explique

  1. Dans un même système psychique très complexe, car une tendance est déjà un système de faits et une tendance importante s’accompagne d’un système de tendances secondaires. Ces divers systèmes se groupent et s’harmonisent de façon à faire des systèmes de plus en plus complexes. Mais plusieurs systèmes se forment ainsi, à différents degrés de complexité qui ne peuvent pas s’harmoniser et qui quelquefois restent juxtaposés.