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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


John Th.-Merz. — Leibniz. W. Blackwood and Sons. Edinburgh and London, 1884.

Edward Caird. — Hegel, id., id. 1883.

Les lecteurs de la Revue connaissent déjà la jolie collection de classiques philosophiques publiée chez Blackwood, sous la direction de M. W. Knight. En voici deux nouveaux volumes : Leibniz et Hegel.

Le petit livre de M. Merz sur Leibniz, comme tous ceux de la même collection, se divise en deux parties : la vie de Leibniz et la genèse de sa philosophie, l’exposé systématique et l’appréciation de cette philosophie. La partie bibliographique, très complète, très intéressante, remplit à peu près la moitié du volume ; c’est une excellente introduction à l’étude de la doctrine philosophique et la plus accessible à tout le monde. Nous y voyons, à travers les événements qui composent comme la trame de cette vie si occupée et si pleine, le développement de cette doctrine, et ce développement même l’explique en grande partie. Mathématicien, philosophe, académicien, c’est-à-dire fondateur, mais fondateur plus ou moins heureux, d’académies, Leibniz nous apparaît dans toute la diversité de ses œuvres et de ses entreprises. Ses découvertes, ses polémiques sont exposées avec une clarté parfaite, et jugées avec une impartialité qui fait le plus grand honneur à un compatriote de Newton.

Dans cette grande querelle, en effet, sur l’invention du calcul différentiel et intégral, M. Merz prend parti pour Leibniz ; il essaie loyalement de faire rendre à ce grand homme, un peu méconnu en Angleterre, la justice qui lui est due. Il remet sous nos yeux les principales pièces du procès, et adopte les conclusions déjà clairement formulées en 1718 dans une lettre de Remond de Montmort au géomètre Brook Taylor : « Je ne puis admettre l’opinion que vous soutenez, à savoir que le public doit à M. Newton, et non à MM. Leibniz et Bernoulli, le nouveau calcul et l’art de le faire servir à toutes les recherches qui peuvent être faites en géométrie, car c’est là une erreur de fait… » Remond donne alors par les dates la preuve de la priorité des travaux de Leibniz, et termine sa lettre par ces mots : « Rien de plus beau, assurément, que le traité de M. Newton — De quadratura curvarum — mais il est venu trop tard. La date de l’impression (1704) est fatale[1] non pour

  1. Les Principes mathématiques de Newton avaient paru, il est vrai, en 1686 ; mais ils ne contenaient encore que la règle la plus élémentaire de la méthode de différence que Leibniz avait développée dès 1684.