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ANALYSES.frohschammer Die Philosophie, etc.

La théorie de la connaissance elle-même doit y avoir gagné ; elle-même a reçu de ces recherches la première impulsion ; cet effort vers la connaissance du premier principe des choses n’a pas été perdu pour elle. Plus tard elle apparaît sous son vrai nom ; l’esprit se replie et se concentre sur lui-même ; mais il s’y était préparé. Socrate, Platon et Aristote ont fondé cette science du savoir humain, ils y ont été amenés par les prédécesseurs. Ont-ils abandonné pour cela les autres objets dont s’occupe la philosophie et délaissé ses problèmes ? Non, sans doute ; et si la postérité les a salués du nom de philosophes, c’est bien encore plus parce qu’ils ont été plutôt des métaphysiciens que de purs logiciens. Si l’on passe aux modernes, il faudrait donc retrancher de la liste des philosophes les plus grands noms, d’abord Spinoza, puis Leibnitz lui-même, dont les écrits métaphysiques sur tous les points de la philosophie ont bien aussi quelque mérite scientifique. À ce compte aussi, Kant ne serait un philosophe que dans sa Raison pure. Dans sa Raison pratique, dans la Critique du Jugement et partout ailleurs il se serait renié et serait un apostat de lui-même ; dans ses grandes œuvres, il n’aurait pas su qu’il n’était plus philosophe, ni ce qu’est la philosophie. Bref, les plus grands philosophes depuis Thalés, Héraclite, Empédocle, Anaxagore, chez les modernes Schelling, Hegel, seraient à rayer de la liste des philosophes, si la logique ou la théorie de la connaissance devait être prise dans le sens vulgaire, si elle avait la prétention d’être, à elle seule, la philosophie. Au moins, devraient-ils être regardés comme n’étant pas de purs et vrais philosophes, ils auraient appliqué leur esprit à des recherches qui n’ont rien de scientifique ni par là de vraiment philosophique.

L’auteur, dit-il, ne peut adhérer à une pareille conception de la philosophie qui la rabaisse et l’appauvrit à ce point. Elle-même, la logique, si elle veut être philosophique, doit se rattacher à des principes qui la dépassent ; ce qu’elle veut tant éviter, elle ne le peut, ceux-ci n’étant pas scientifiques. Veut-on les écarter ? Alors, elle n’est plus qu’une simple propédeutique, un exercice préliminaire et une introduction, au service des autres sciences ; mais celles-ci, les sciences véritables, ne peuvent reconnaître en elle leur guide, encore moins leur législatrice ; cette logique, ou science du savoir, ne saurait avoir une telle prétention comme elle le désire et comme elle s’y évertue. Comment et pourquoi ? C’est qu’elle doit se tenir dans la généralité, se borner à exposer et apprécier les conditions, les lois et les méthodes générales, comme formes de la pensée, pour les autres sciences ; mais elle ne peut ni pour ces sciences ni pour elle-même en apprécier et déterminer les bases ; elle ne peut pas davantage les suivre dans leur mode de procéder. Pour celles-ci, ce n’est pas de recherches générales qu’il s’agit, mais spéciales et positives, ayant pour objet le réel. Par conséquent, les sciences particulières ne seraient pas disposées à se laisser donner des règles ou des préceptes, qui leur seraient inutiles dans le domaine particulier où elles s’exercent et sont maîtresses.