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l’humanité ; elle apparaît dans le jeu, et varie avec les circonstances. L’unité de l’art primitif, enfin, est un fait qui frappe, en regard de la diversité des races primitives, et nous montre clairement l’influence des moyens de production. Le climat n’a d’action sur l’art que par l’intermédiaire du travail humain, de la production, etc.

Il y aurait sans doute des observations à faire sur certains points de ce travail. Mieux valait en exposer le contenu qu’y chercher des sujets de critique. M. Gosse n’affiche pas d’ailleurs, malgré son ardeur laborieuse, des prétentions excessives ; il ne se flatte que d’avoir ouvert une bonne voie et ne dissimule aucunement les défectuosités inévitables de son entreprise. Ses conclusions mêmes, si solides qu’elles soient en effet, il les présente avec modestie, et je ne ferai que lui rendre justice en déclarant qu’il a écrit un excellent livre, qui est, de plus, agréable et bien composé, clair et sans lourdeur.

L. Arréat.




Ch. Letourneau. L'évolution littéraire dans les diverses races humaines (P. Battaille, 1894, in-8).

M. Letourneau poursuit l’enquête laborieuse qu’il a entreprise sur l’évolution des grands faits sociaux, morale, famille, propriété, politique, droit, religion. Il n’est guère possible d’aborder des sujets si divers avec une égale compétence. On ne peut exiger de l’écrivain qu’une bonne méthode et une critique suffisamment large. M. Letourneau possède l’une et l’autre ; mais son ouvrage n’est qu’un essai, il le dit lui-même ; la matière en semble tantôt copieuse et tantôt maigre, la hâte s’y devine en maints passages, quelquefois peut-être un certain parti pris dans les jugements.

La division du livre offrait une première difficulté. À quel critérium rapporter l’évolution de la littérature ? Quelle place assigner aux différents peuples ? Quel ordre suivre en une si vaste description comparative ? M. Letourneau a adopté simplement la division générale des races, fondée sur la couleur de la peau, et les a mises au rang que l’estime ordinaire leur assigne. Il étudie la littérature : 1° des races noires (Mélanésiens, Africains), 2° des races jaunes (Polynésiens, Américains sauvages, Péruviens et Mexicains, Mongols, Chinois et Japonais), 3° des races blanches (Égyptiens et Berbères, Arabes, Juifs, Hindous, Persans, Grecs et Romains, Européens barbares, jusqu’à la fin de notre moyen âge). Ce plan a l’avantage de la clarté ; s’il ne tient pas au sujet même et ne résulte pas de l’étude faite, il est au moins très propre à l’étude à faire. Ici, d’ailleurs, ce sont les conclusions qui importent. L’auteur me pardonnera donc de passer sur les détails si intéressants de son livre pour en exposer un peu amplement les résultats.

Je prends d’abord les plus solides. M. Letourneau, et il se rencontre ici avec M. Ernst Gosse, nous montre l’union originelle, on peut dire chez tous les peuples, de la danse avec la musique et la poésie ; l’im-