Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/77

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Enfin, l’enfant naquit une nuit de décembre :
Personne n’était là dans la petite chambre
Pour assister la mère ou recueillir l’enfant,
Et leur premier salut tut une double plainte
En s’enlaçant d’une âpre et douloureuse étreinte
Pour confondre chacun leur sanglot étouffant »

Et par une ironie affreuse, la gelée
Glissant son souffle froid dans la nuit étoilée,
Faisait germer des fleurs dont les gros bouquets blancs
Brillaient d’un air de fête aux carreaux des fenêtres ;
Tandis que sur le lit gémissaient ces deux êtres
Et qu’un frisson de mort glaçait leurs corps tremblants.

Marthe voulut se mettre ardemment à l’ouvrage
Et tâcher d’échapper au lugubre naufrage
Où la femme périt quand son labeur s’endort.
Car le souffle d’un homme avili par l’orgie
Avait bien pu ternir sa pudique effigie j
Qu’importe celle-ci quand la monnaie est d’or,

Donc elle fit placer son enfant en nourrice
Pour pouvoir se remettre elle-même en service ;
Mais dès qu’on apprenait sa faute, on refusait ;