Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/146

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rait se faire au sujet de tous les grands artistes.

On a accusé, par exemple, Delacroix de ne pas savoir dessiner. La vérité, au contraire, est que son dessin se marie merveilleusement avec sa couleur : comme elle, il est saccadé, fiévreux, exalté ; il a des vivacités, des emportements ; comme elle, il est parfois dément : et c’est alors qu’il est le plus beau. Coloris et dessin, l’on ne peut admirer l’un sans l’autre : car ils ne font qu’un.

Ce qui trompe les demi-connaisseurs, c’est qu’ils n’admettent qu’un seul genre de dessin : celui de Raphaël ; ou plutôt ce n’est même pas celui de Raphaël qu’ils admirent, mais celui de ses imitateurs, celui de David et d’Ingres… En réalité, il y a autant de dessins et de coloris qu’il y a d’artistes.

Albert Dürer, dit-on parfois, a une couleur dure et sèche. Non point. Mais c’est un Allemand ; c’est un généralisateur : ses compositions sont précises comme des constructions logiques ; ses personnages sont solides comme des types essentiels. Voilà pourquoi son dessin est si appuyé et sa couleur si volontaire.

Holbein est de la même école : son dessin n’a pas la grâce florentine ; son coloris n’a point le charme vénitien ; mais ligne et couleur ont chez