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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/39

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GŒTHE ET BEETHOVEN

noire flottante, et ceinte d’une cordelette épaisse, ainsi qu’un pèlerin ; indépendante de la mode, et ne pouvant s’accommoder de la correction étriquée de la société ; à la gêne sur une chaise et plus souvent accroupie sur un tabouret bas, ou perchée dans une niche de fenêtre ; ou bien follement vive et rieuse, ou bien plongée dans la mélancolie : au fond, une grande songeuse, qui a rêvé la vie.

Le jeune Aloïs Bihler, qui fait d’elle ce portrait1, au moment où elle va rencontrer Beethoven, ne peut assez chérir et admirer la charmante fille,

— son riche esprit, le jaillissement de fontaine de sa fantaisie, sa passion poétique, sa grâce sans apprêt et sa bonté de cœur. En cette vingt-cinquième année, où elle paraît dix-huit à vingt ans la guerre et ses incendies... Iéna... L’année 1809 porte leur sanglante auréole. Dans ses lettres d’août 1809, Bettine écrit à Goethe : a Les flammes de la guerre ont rougi mon horizon, tout l’été... » 1. Aloïs Bihler, étudiant à l’Université de Landshut, fut introduit dans le cercle de famille du professeur de Savigny, et y connut la belle-sœur de Savigny, Bettine. Ils passèrent ensemble une partie de l’été de 1810, à Bukowan en Bohême, dans une propriété de famille des Brentano. Tous deux, enthousiastes de musique. Bihler enseignait l’harmonie à Bettine. Le génie créateur de cette femme le frappait d’admiration : « Singend dichteie sie und dichtend sang sie mit prachtwoller Stimme. » (« Elle improvisait la poésie en chantant, et improvisant, elle chantait d’une voix merveilleuse. »)

— « Une belle voix de contralto », nous dit sa petite-fille, Mme Irène Forbes-Mosse... — Bettine écrivit à Bihler, le 9 juillet, un mois après avoir vu Beethoven ; et cette lettre authentique est la base la plus solide pour l’histoire de cette rencontre. (Voir Albert Leitzmann : Beethoven und Beilina, Deutsche Revue, février 1918).