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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/46

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GŒTHE ET BEETHOVEN

n’était pas Bettine ; quand Beethoven, vieilli, lui parlait, il voyait le visage obséquieux et lugubre du famulus, qui avait toujours l’air de soupirer : « Il pleut1 ! » Les famuli n’inspirent pas les poètes. Qu’ils se contentent de la prose !

Mais je remets à une autre étude, d’un caractère plus spécifiquement musical, la discussion de ces pensées de Beethoven, rapportées par Bettine. Ce qui nous importe ici, pour l’histoire des relations entre Gœthe et Beethoven, c’est l’exactitude des faits et la sincérité des impressions de Bettine. Or, ni sur l’une, ni sur l’autre, il n’y a aucun doute. A défaut des lettres de Bettine à Goethe) dans le Briefwechsel de 1835 (et au prince Hermann von Pückler-Muskau, qu’on peut discuter, puisque leur publication fut tardive, la lettre indiscutable au jeune Aloïs Bihler, du 9 juillet 1810, établit l’absolue vérité de sa rencontre avec Beethoven, et l’impression foudroyante qu’il fit sur elle. Malgré son extrême laideur, dont Bettine a été frappée plus que tout autre, et qui fait que cette femme amoureuse de la beauté n’a jamais pu l’être de Beethoven, elle est fascinée, du premier regard, et c’est pour toujours… « Ich habe diesen Mann unendlich lieb gewonnen… » (J’ai pris pour cet homme

1. « Heute war wieder übler Wetter ». (C’est Beethoven, bougonnant, qui en fait le reproche humoristique à Schindler, dans la lettre de brouille qu’il lui écrit, en mai 1824).