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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/48

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GŒTHE ET BEETHOVEN

contre ceux qu’elle a le plus intérêt à ménager. Qu’elle ait conquis Beethoven, ce n’est pas moins certain. La lettre à Bihler nous confirme l’assiduité de Beethoven auprès d’elle ; pendant ses derniers jours à Vienne, il ne l’a plus quittée, il ne peut se séparer d’elle, et, au départ, il la prie de lui écrire « au moins une fois par mois, car il n a, hors elle, aucun ami ». La lettre incontestée, de Beethoven à Bettine, le 10 février 1811 x, nous apprend que Bettine lui a écrit deux fois, et que Beethoven a porté sur lui ses lettres, tout l’été, qu’il en est enchanté, qu’il lui écrit mille fois en pensée. Il l’aime, et il l’embrasse, avec plus d’émotion qu’il n’en voudrait montrer. Qu’il se soit confié à elle, que cette homme muré au reste du monde, vivant alors en un état de transe artistique, aveugle et sourd, insensible au dehors, et ivre de l’harmonie qui l’emplit 1 2, de son colloque passionné avec son Dieu intérieur, ainsi qu’un 1. Bettine a publié trois lettres de Beethoven qui lui sont adressées : 11 août 1810, 10 février 1814, juillet ou août 1812 ; l’autographe de la seconde seule a été retrouvé. Et qu’il ait été retrouvé, c’est un bonheur pour Bettine : car sinon, la critique, en général fort malveillante à son égard, eût déclaré que l’amitié de Beethoven pour elle était de son invention. Or, cette seconde lettre n’est pas la moins tendre des trois. — Pour ma part, je ne mets pas en doute l’authenticité de la première qui parle d’événements intimes (un chagrin d’amour), que Bettine ne pouvait connaître par ailleurs. Le style de la lettre est d’ailleurs du plus pur Beethoven. Quant à la troisième lettre, c’est une autre question ; et j’en parlerai plus loin.

2. Lettre de Bettine à Bihler.