Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
41
GŒTHE ET BEETHOVEN

de Goethe qu’elle introduit Beethoven... Le voici î Le cœur de Bettine est plein, il va s’épancher : « ... Et maintenant, fais attention ! (Jezt gib Acht !) C’est de ce Beethoven que je veux maintenant te parler... An diesem geht die ganze Welt auf und nieder vie... 1 »

Et sur ces mots mystérieux, la lettre brusquement s’arrête. La plume n’achève pas la phrase commencée. Bettine ne peut continuer... Décidément, elle ne peut pas... Elle a trop à dire... Gœthe, qui est à Karlsbad, écrit le 22 juillet à sa femme qu’il a reçu une lettre de Bettine, un mot sans lieu ni date, qui lui annonce sa prochaine visite ou une longue lettre à Weimar. Bettine, qui a senti toute la difficulté d’exprimer par écrit à Gœthe le monde d’émotion que la découverte de Beethoven a fait surgir en elle, qui sans doute a écrit et déchiré plus d’une lettre, remet à la prochaine rencontre sa confession, de vive voix.

1. Cette phrase énigmatique, d’une tournure exceptionnelle, s éclaire par la lettre publiée en 1835, où Bettine l’a complétée : « Das ganze menschliche Treiben geht wie ein Uhrwerk an ihm auf und wieder, er allein erzeugt frei aus sich das Ungeahnte, Unerschaffene. .. »

(« L’effort humain tout entier se déroule autour de Beethoven comme le mécanisme d’une horloge. Lui seul enfante librement de lui-même ce qui n’a jamais encore été créé, ni pressenti »). « Lui seul... ?» Il semble que Bettine ait eu l’intuition, au milieu de sa phrase, qu’elle ne pouvait l’écrire à Gœthe, sans le blesser. Elle renonce à ia terminer.