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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/55

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GŒTHE ET BEETHOVEN

« Bettine était véritablement plus jolie et plus aimable que jamais » (« Bettine war wirklieh hübscher und liebenswürdiger wie sonst »), — écrit-il imprudemment, le lendemain de son départ, à Christiane la jalouse, qui ne l’oubliera point. Il n’écoutait point, il entendait pourtant... Que lui contait Bettine ?

Ce qu’elle conte dans sa lettre imaginaire de 1835. Non pas le récit exact de sa première visite à Beethoven, mais toutes ses visites ensemble, toutes ces journées ensemble, ces promenades, ces rêveries, et l’ébranlement produit par la grande ligure, que l’éloignement avait rendue plus prestigieuse, que l’ivresse du souvenir entourait d’un halo.

Je n’ai aucune raison de douter — sinon de l’exactitude littérale des paroles qu’elle prêtera à Beethoven, dans le récit de 1835, — à coup sûr, de T exactitude matérielle et morale de l’impression qu’elle a subie. L’imagination brûlante de Bettine a pu dorer la peinture, et son art naturel a composé le tableau. Mais le tableau est aussi vrai de Beethoven que l’est de la Campagne B-omaine un tableau de Claude Lorrain. Le réalisme scrupuleux ne peut rendre avec plus de fidélité le rayonnement de la lumière et de la terre de Rome. Ainsi, du Beethoven qu’a vu et peint Bettine. Nul regard n’a plongé plus au fond de son génie que ces vives prunelles ; l’intuition féminine a bu sa pensée secrète, avant même de