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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/56

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GŒTHE ET BEETHOVEN

la comprendre — (avant même, peut-être, que Beethoven en eût la conscience claire) 1. — C’est une plongée dans le feu de la forge. Bettine a écouté, comme Beethoven parlait, dans un « raptus ». C’est pourquoi elle a perçu ce que ne peuvent entendre les intellectuels pondérés, qui n’ont pas l’expérience de ces éclairs de l’âme. Mais que pensait Gœthe, — lui qui les connaissait, (bien qu’il ne les aimât guère, car il en savait le danger ; et il les écartait de son horizon) ?

— Gœthe, intéressé, gêné, se refuse à prendre très au sérieux ce qu’il nommera les « wunderliche Grillen » 2 de Bettine. Mais sa curiosité psychologique, incessamment en éveil, est à la fois repoussée et attirée par « ces caractères problématiques, d’autant plus quils lui sont plus difficiles à définir et à déchiffrer » 1 2 3. Il tombe en arrêt 1. Je me suis convaincu que les pensées de Beethoven exprimées par Bettine dépassent de beaucoup, non seulement l’intelligence de Bettine, mais l’esprit de l’époque, et qu’elles sont la plus profonde intuition du génie créateur de Beethoven. Elles émanent certainement de Beethoven. Mais l’impression en a été bien moins nette en la j eune Bettine de 1810 qu’elle ne l’est devenue, en se clarifiant, en la Bettine de 1835. Une lettre authentique de Bottine à Gœthe (Noël 1810), toute pleine de ses réflexions obscures et passionnées sur la musqiue, montre combien son petit cerveau (Kopfchen) est en travail, depuis la visite de Beethoven. Elle a, sur le moment, senti beaucoup plus puissamment, qu’elle n’a vu clair. C’est peu a peu que la lumière s’est faite sur le trésor qu’elle couvait.

2. 11 janvier 1811.

3. Entretiens avec le chancelier von Müller, 26 janvier 1825, (à propos de Bettine).