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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/60

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GŒTHE ET BEETHOVEN

à rire, si l’on ne pensait dans quelle oreille ce poison était versé (et certes, par une main sans malice ! Zelter, par la suite, l’a prouvé)... « Art déséquilibré, monstrueux, impudique, inverti » : Zelter a su trouver en dix lignes tout ce qui pouvait le plus irrémédiablement éloigner Goethe de Beethoven.

Or, Bettine se rencontre, chez Goethe, avec Zelter, dans la soirée du 11 août 1810, à Teplitz. On imagine de quelles remarques désobligeantes, de quels ricanements, le lourd bon sens, la parole rude, sans ménagement, de Zelter dut commenter les envolées mystico-musicales de Bettine. La petite chatte se mit en boule, cracha au museau du chien de Berlin. Goethe, dans son mot du 13 août, si sensible à la grâce de Bettine, ajoute : « Mais envers d’autres hommes, elle est très mal élevée. » (Aber gegen andre Menschen sehr unartig).

Bettine emporte de Teplitz une solide rancune contre Zelter. Elle la remâche, tout l’hiver. Et en ceci encore, elle montre sa loyauté. Elle a beau savoir qu’il est dangereux de toucher à l’autorité de Zelter devant Goethe, qu’elle perd son temps et qu’elle risque de perdre les bonnes grâces de son Dieu, — elle ne pardonne pas au « Philistin » (elle le désigne ainsi) son inintelligence crasse et malveillante de Beethoven. Quand elle le retrouve à Berlin, (où ce pauvre Arnim a la malencontreuse idée de lui proposer de pren-