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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/62

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GŒTHE ET BEETHOVEN

quelle chose étrange ! — aucun souvenir de son enfance. Le Gœthe de Francfort est mort. Il lui serait impossible d’en raconter aucun trait, sans le secours de la filiale confidente de sa mère). Il lui faut donc extorquer de Bettine ces trésors qu’elle avait amassés pour elle seule. Elle les lui distille, goutte à goutte, en les entremêlant de réflexions désobligeantes sur Zelter, ou de ses théories fumeuses, fiévreuses, sillonnées d’éclairs dans la nuée, sur la Musique-Révélation et sur le génie de Beethoven *. Il doit tout accepter. Sa mauvaise humeur ne se traduit que par son silence. Mais la rancune s’amasse. Quelques mots la trahissent, dans une lettre du 11 janvier 1811 : a — Tu montres, maintes fois, un entêtement de mule 1 2, et particulièrement en ce qui concerne la musique : tu te fabriques dans ta petite caboche d’extraordinaires lubies, — pour lesquelles je ne veux pas te faire la leçon, ni te chagriner. » Autrement dit : « Tu peux parler, je ne te ferai pas l’honneur de discuter. »

En cet hiver 1810-1811, Gœthe se détache de Bettine. Il croyait être seul maître et seigneur de cette âme séduisante, dont la double nature d’Italienne et d’Allemande Rhénane (la fille de son ancienne aimée) l’attirait. Elle était venue 1. Dans l’extraordinaire lettre de Noël 1810, qui veut une étude spéciale : je la publie, en appendice. 2. Si ce ne sont pas les mots, c’est bien le sens : t ein recht be#• chrànliler Eigensinn » (« un entêtement vraiment borné, buté... »)