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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/63

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GŒTHE ET BEETHOVEN

à lui, elle lui semblait livrée. Et voici que, tout en répétant ses actes d’adoration envers le Dieu de Weimar, elle lui fausse compagnie, pour suivre la révélation nouvelle qui lui vient de Beethoven, et le courant de pensée du jeune romantisme allemand !... Après de longues hésitations, Bettine se fiance avec Arnim (4 décembre 1810), et elle l’épouse, au printemps (11 mars). La lettre où elle annonce cet événement à Gœthe, deux mois après (11 mai), est à la vérité plus remplie de Gœthe que de Arnim ; et certes, l’affection sincère qu’elle eut pour Arnim fut une flamme bien pâle auprès de la passion pour Gœthe, qui a possédé sa vie. Mais (sans peut-être s’en rendre compte), Gœthe se juge trahi, et il en éprouve du dépit. La blessure est surtout de l’ordre intellectuel. Achim von Arnim, jeune gentilhomme des lettres, est digne de toute estime, aussi bien pour son talent que pour son caractère ; et il témoigne au vieux Gœthe un respect, des égards, auxquels Gœthe est sensible. Mais dans le domaine de l’esprit, Arnim, comme Beethoven — toutes proportions gardées — Arnim est l’ennemi. Je me trompe : il ne Test pas ; c’est Gœthe qui est le sien. La vague de néo-romantisme qui monte autour de lui l’inquiète, l’exaspère. Tout l’édifice de sa vie lui paraît menacé. Et bien que cette génération nouvelle ne demande qu’à recevoir de lui, agenouillée, l’accolade de chevalerie, il a peine à lui dissimuler son animosité. Elle