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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/77

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GŒTHE ET BEETHOVEN

deux sous les armes, en présence de l’homme que chacune, pour des raisons diverses, jugeait sa propriété. Elles se voyaient chaque jour, se souriaient, s’embrassaient... Elles se seraient mordues, avec délices ! Les Arnim, comme le tout-Weimar, s’apitoyaient discrètement sur le grand homme sous la pantoufle. Et Christiane, enragée, excitait Goethe contre les hôtes qui abusaient. A une galerie de peinture, que les deux femmes visitaient ensemble, l’orage éclata soudain : ce fut une tornade. Bettine se connaissait en art ; elle exerça son esprit aux dépens des croûtes exposées. Et comme l’organisateur de l’exposition était le Hofrat Heinrich Meyer, un vieil ami de la maison Gœthe, dont le goût, comme celui de Zelter et de tous ces vieux habitués, sentait un peu le moisi, Christiane reçut l’offense. Incapable de répondre sur le ton de badine ironie, où Bettine excellait, la colère refoulée dans son apoplectique personne se fit jour par des cris et des gesticulations. Le face-à-main, ou les besicles, dont s’ornait, pour mieux voir, le nez impertinent de Bettine, furent arrachés, jetés à terre, brisés. Dans un cercle de curieux attirés par ses abois, l’épouse offensée intima à la rivale, muette de saisissement, l’interdiction de remettre jamais les pieds dans sa maison. Scandale public. Tout Weimar se passionne pour Bettine. L’occasion était trop belle contre Christiane et contre Gœthe, à qui la morale bourgeoise n’a jamais pardonné 6