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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/80

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GŒTHE ET BEETHOVEN

onc, malgré son chagrin, son amour

persistant, ses efforts pour se rap¬

procher de Goethe et oublier l’af¬

front, Bettine est éliminée du cercle

de Weimar. Pendant six ans entiers,

toute correspondance est interrompue entre elle et son Dieu 1. Même quand l’échange de lettres reprendra, Bettine ne retrouvera jamais la bonne grâce de 1’ « Olympien » vexé. Beethoven n’a plus d’avocat, pour plaider sa cause auprès de Goethe. Et juste à ce moment, ils vont se rencontrer ! Le hasard fait tous les frais, et les met en présence. En juillet 1812, Goethe étant à Karlsbad, reçoit de son grand-duc l’invitation de venir sur-le-champ à Teplitz, où la jeune impératrice d’Aumontre sympathique, malgré sa vulgarité. Et n’eût-elle inspiré à Goethe que le tendre et discret poème de 1813, le Blümchen, qu’il lui offrit pour leurs noces d’argent, elle resterait chère aux vrais amis de Goethe. Aussi longtemps qu’elle vécut, Goethe put se reposer en une affection sûre. Après qu’elle fut partie, il se retrouva, dans sa vie domestique, bien seul et désemparé. Derrière la façade imposante des dernières années, il y a de lourdes tristesses et un défKirroi complet. Goethe ne reprenait son majestueux équilibre que dans la construction de pensée, et aussi, dans la parade quotidienne devant le monde, quand il était en « représentation ». Mais que de faiblesses en l’homme privé ! Et sa lucidité n’en a rien ignoré. — Beethoven, comme lui maître absolu dans son art, ne le fut pas davantage dans sa vie, et le parut beaucoup moins. Et certes, il sut moins se masquer, et son caractère était plus déréglé. Mais il était aussi d’un grain plus serré. Le moins faible des deux, au fond, n’était pas l’homme de Weimar. 1. La première lettre de Bettine qui renoue la correspondance est du 28 juillet 1817, après la mort de Christiane (6 juin 1816).