Aller au contenu

Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
LES DERNIERS QUATUORS

offres enjôleuses l’ont détourné de ses grands projets, — de la Dixième symphonie, de l’oratorio, du Requiem, du Faust

— « Que ces grandes œuvres n’aient pas été écrites, voilà ce que le monde de l’art doit à ce seul homme !… Et cela, non, vraiment, rien ne peut le réparer… »

Il s’agissait du jeune et charmant prince Galitzin (Nicolas), qui, le 9 novembre 1822, avait écrit de Saint-Pétersbourg à Beethoven une, puis deux, puis dix lettres passionnées, pour le prier, le supplier de « composer un, deux ou trois nouveaux quatuors », dont « il se ferait un plaisir de lui payer la peine, au prix que Beethoven jugerait à propos de lui fixer ».

S’il était vrai que ce fût lui, comme dit Schindler, qui eût décidé Beethoven, ce serait (Schindler ne s’en doute pas) le plus grand honneur qu’on pût lui faire. — Mais c’est une vue beaucoup trop simple, et qui ne tient pas compte du travail intérieur qui s’opérait dans l’esprit de Beethoven.

En fait, la pensée d’un quatuor cheminait en lui déjà avant l’intervention de Galitzin, en plein travail de la Neuvième Symphonie, et quand se prolongeaient encore en lui les émotions mystiques de son Agnus[1].

L’éditeur C. F. Peters de Leipzig, qui venait de reprendre la maison de Hoffmeister, ami de Beethoven, lui écrit, le 18 mai 1822, pour lui demander, entre autres œuvres, des « Quartetten und Trios für pianoforte ». — Beethoven, lui répondant, le 5 juin, lui dresse une liste de ses œuvres nouvelles à vendre : la Messe (à peine achevée), les Variations

  1. Rappelons qu’il travaillait à l’Agnus de la Missa Solemnis, en 1821-1822. La mise au net de la Messe n’eut pas lieu avant la fin de 1822. — La Neuvième Symphonie, qui couvait en lui depuis 1817, avait été mise sur le chantier, immédiatement après l’achèvement de la Messe. Le gros travail, comme on l’a vu, remplit tout 1823.