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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/24

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BEETHOVEN


Constatons d’abord qu’une fois sa décision prise et ses marchés conclus, il ne mit aucune hâte à s’acquitter. Galitzin, « comblé de joie » par son acceptation, lui avait fait aussitôt verser par son banquier un acompte de 50 ducats pour le premier quatuor (23 février 1823). Et il lui écrivait lettre sur lettre, (9 lettres en 1823, 5 autres lettres en 1824, en tout 14), dans l’impatience fébrile de ne rien recevoir. Ce ne fut qu’au début de 1825 qu’enfm le premier quatuor commandé, op. 127, lui fut envoyé[1].

  1. Il faut tenir compte de ces retards inconcevables, pour excuser ceux que le prince, par la suite, mit à payer le restant de la somme due. Beethoven ne parvint jamais à l’obtenir, de son vivant. D’où d’interminables réclamations et discussions, empoisonnées par l’âcre bile de Schindler, injurieusement rancunier, et qui se sont prolongées jusqu’au delà de la mort, non seulement de Beethoven, mais de Galitzin, — en 1858, où les comptes furent définitivement réglés. Ce long débat a laissé sur la mémoire du prince un fâcheux renom, que j’estime injuste : car il y a beaucoup de la faute de Beethoven, dans son mécompte. Pendant toute l’année 1823, pendant toute l’année 1824, il fit la sourde oreille aux adjurations de Galitzin, qui le suppliait de lui envoyer au moins le premier quatuor. Au lieu du quatuor, c’était un exemplaire à souscrire de la Missa Solemnis qui lui arrivait ; et Galitzin, au lieu de se plaindre, souscrivait, de la meilleure grâce, et organisait très soigneusement, à Saint-Pétersbourg, la première exécution publique en Europe de la Messe (6 avril 1824). Beethoven aurait dû lui en être reconnaissant. Il ne s’empressait pas plus de le satisfaire. Et Galitzin eut à attendre encore un an, avant de recevoir le premier quatuor. (Lettre de remerciement du 29 avril 1825 : c’est la quinzième !) — Puis, la correspondance s’interrompit, entre juin 1825 et janvier 1826 ; et cette fois, ce fut Beethoven qui s’alarma. Mais dans l’intervalle, la maladie était venue chez Galitzin, et les soucis : santé de sa femme, mort d’un enfant, pertes d’argent, plusieurs banqueroutes, obligation de s’éloigner de la capitale, de séjourner la plus grande partie de l’année à la campagne, au fond de la Russie ; enfin, vers la fin de 1826, départ pour la guerre en Perse. Plus de raisons qu’il n’en fallait pour expliquer les retards et les