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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/248

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BEETHOVEN

à venir, et leur manie d’unification systématique : — il avait pris un malin plaisir à brouiller la piste, quand il écrivait sur la copie du quatuor envoyée à Schott : — « N. B. Zusammengestohlen aus verschiedenem diesem und jenem. » (« Volé de ci, de là, et recollé ensemble. ») : — ce qui, à notre sens, s’appliquerait mieux au quatuor précédent (en si bémol).

Le bon de l’affaire est que Schott le prit au sérieux et, en brave commerçant inquiet, rappela à son vendeur les conditions du marché : Beethoven devait lui servir du neuf, non du rapetassé. Et Beethoven dut rectifier : — « Votre lettre m’a été sensible. Ce que j’en avais écrit, était par plaisanterie (Scherz).. Le quatuor est absolument tout battant neuf ! » (« es ist unterdessen funkel-nagelneu »)[1].

Il n’avait pas besoin de nous le dire ! Quelle œuvre Jamais fut plus originale ! — Il n’en reste pas moins dans le N. B. paradoxal « cum grano salis », un grain aussi de vérité. Le miracle de l’art est que, justement, ces chefs-d’œuvre que sont les derniers quatuors et qui réalisent une impression si inspirée et si poignante d’unité, sont faits des éléments les plus hétéroclites, et du présent et du passé. Mais pour goûter la prodigieuse réussite d’une telle harmonie, il faut être soi-même un artiste : et l’équipée de Beethoven avec l’éditeur lui rappela qu’il valait mieux n’en pas parler aux profanes.

Mais entre nous, mon cher lecteur, qui nous traitons (peut-être avec indulgence) de non-profanes, tout franc-parler !

  1. À Schott, 19 août 1826.