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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/253

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LES DERNIERS QUATUORS

ne s’interrompt point à la césure : (un bel exemple en est offert par la sublime Cavatina du quatuor en si bémol majeur) ; et la fugue lui en fournissait un moyen sûr. Mais Paul Mies lui-même, qui donne cette explication, est forcé de reconnaître que c’était substituer une autre habitude mécanique à la première, car Beethoven porte dans la fugue et le fugato la même raideur chronométrique (si l’on ose dire) que dans ses simples mouvements mélodiques. Le thème de la fugue de l’op. 131 est en quatre mesures, et se répète quatre fois. L’esprit de Beethoven porte la chaîne, consentie, d’un impérieux besoin de régularité. C’est ce qui le prédestine aux grandes fresques, aux grands espaces, aux vastes œuvres à grands traits, à l’art du peuple (au sens haut et plein), comme Haendel. Et c’est à quoi se heurtent, agacés, les « délicats »… — La raison donnée par Mies ne convient donc pas. Mais pourquoi chercher ? Ne voit-on pas combien cette forme d’un thème mélodique, qui s’exprime nu, sans accompagnement, puis se répète à une seconde voix, puis à une troisième, à une autre encore, se combinant en une complexité ordonnée, s’adaptait à une pensée solitaire, qui se concentre et, les yeux dans les yeux, qui s’interroge, et, dans tout son être, qui sent monter, des profondeurs, par tous les pores, l’interrogation, doute, douleur, mélancolie, qui l’envahit ! Et l’esprit plane au-dessus, contemple, médite, maîtrise le mouvement alternatif et conjugué, flux et reflux des flots…

Le très beau thème de la fugue est, de tout ce qu’a pensé Beethoven, le plus apparenté à J. S. Bach, dont il rappelle une admirable fugue du Clavecin bien tempéré. Et j’en retrouve les échos, aussi bien dans Wagner que dans Berlioz (Enfance du Christ). L’écriture fuguée en est très serrée, mais les