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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/258

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BEETHOVEN


Est-il ou non un second morceau ? Ou le revers du premier morceau, comme Hugo Riemann essaie de le prouver, en retrouvant le thème de la fugue en libre transposition dans le thème de l’allegro ? Et faut-il y voir la forme d’un rondeau (V. d’Indy), ou d’une sonate, avec thème secondaire à peine indiqué et développement incomplet, comme en discutent les docteurs ? Il n’importe guère, et la question n’est point là. — Elle est dans le passage inattendu de l’adagio fugué à l’allegro molto vivace, et dans le désaccord (avouons-le !) entre la méditation oppressée et l’insouciant badinage. Il ne nous sert pas plus de chercher l’explication dans je ne sais quel processus de la raison métaphysique, à la façon de Wagner. Ces lourdes philosophies ne sont pas de saison. C’est en Beethoven même qu’il faut chercher, en l’homme qui médite douloureusement, près de son foyer qui s’éteint. Si l’artiste s’est prêté à cette succession de deux morceaux d’un caractère si opposé, — s’il l’a voulue, au point de les lier ensemble, au lieu qu’il lui eût été aisé de recourir à la séparation coutumière entre le premier morceau et le scherzo, — il faut que l’homme en ait ressenti le naturel enchaînement. Et c’est à nous de le ressentir aussi, en nous identifiant avec lui. Il n’est que de lire avec recueillement la musique. Elle est sincère, elle trahit tout.

Le premier trait, qui n’a pas échappé aux lecteurs, mais qui eût dû les mettre en éveil, est ce glissement imperceptible du lent mouvement d’octave en ut dièze qui termine ou suspend le premier morceau, au mouvement vif d’octave en naturel, par où débute le deuxième morceau. Et tous les deux, dans le plus profond pp. Il y a là comme un mystère de métamorphose. Car tous les deux sont le même ; mais l’un