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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/267

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LES DERNIERS QUATUORS

et la cime de tout le quatuor. C’est ici que s’affirme la magie de l’esprit créateur.

Qui eût dit que la tendre phrase de duo amoureux, conçu d’abord peut-être comme une scène d’opéra-comique.

[partition à transcrire]

contenait littéralement la plus religieuse extase :

[partition à transcrire]

Elle m’évoque invinciblement la « Nuit d’amour » de Roméo. la plus belle page de Berlioz. Bien qu’on ne puisse parler, à aucun degré, d’imitation, il m’est impossible de ne pas penser que le souvenir de Beethoven l’ait inspirée[1]. Chose

  1. Nous avons, de la plume même de Berlioz, l’aveu de la commotion morale que lui causa la première audition du quatuor, à Paris.

    C’était deux ans après la mort de Beethoven. Il avait 25 ans. Il n’avait pas encore concouru pour le prix de Rome ; mais son jeune génie avait déjà créé les « Huit scènes de Faust » (l’essentiel de la Damnation de Faust).

    « C’était cet hiver, dans une des soirées musicales de M. Baillot… Il y avait dans la salle à peu près 200 personnes qui écoutaient avec une religieuse attention. Au bout de quelques minutes, une sorte de malaise se manifesta dans l’auditoire, on commença à parler à voix basse, chacun communiquait à son voisin l’ennui qu’il éprouvait : enfin, incapables de résister plus longtemps à une pareille fatigue, les dix-neufvingtièmes des assistants se levèrent en déclarant que c’était insupportable, incompréhensible, ridicule : « C’est l’œuvre d’un fou, ça n’a pas le sens commun… » etc. — Le silence fut réclamé par un petit nombre d’auditeurs, et le quatuor