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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/272

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BEETHOVEN

Les deux dernières mesures, si belles, si simples, et qui paraîtraient n’avoir pu être pensées autrement, Beethoven les a tournées et retournées indéfiniment sur son métier, avant de se décider à s’en séparer. Nottebohm en reproduit quinze esquisses (Beethoveniana, I, pp. 94-59), dont pas une n’arrive encore à l’état définitif[1]. C’est dire l’importance, dans ce style des derniers quatuors, du moindre signe, du moindre accent, de la moindre virgule[2].

On voit ici quelle passion de la perfection possédait le vieux Beethoven. Quand on le rencontrait, perdu dans ses pensées, parlant tout haut, gesticulant, ce n’était pas toujours, comme on pensait, des inspirations nouvelles qu’il poursuivait, mais des lambeaux de phrases déjà conquises, mais mal domptées, qu’il s’acharnait à assujettir, en leur trouvant, en leur forgeant la forme parfaite, la forme unique qui fût la vraie, — l’expression adéquate à la pensée.


On voudrait dire au rêve de bonheur : — « Ne t’en va point !… » On souhaiterait de le prolonger…

Beethoven ne le veut point. Il a marqué — « Attacca… » Il faut poursuivre, sans s’arrêter… Quelle secousse !… Une

  1. La plupart se terminent sur un petit gruppetto :
    [partition à transcrire]
  2. Et c’est pourquoi on ne saurait trop condamner la nonchalance avec laquelle la plupart des éditions omettent les indications de Beethoven, ou modifient leur place, fût-ce d’un temps, ou d’un demi-temps. — N’ont ils pas supprimé le p. que Bethoven avait inscrit, au-dessous de la dernière note de l’accord suspendu, à l’avant-dernière mesure de ce morceau ! C’est fausser tout le sens que de clore le mouvement de cette mesure dans le cresc., au lieu de la défaillance du souffle, qui ne peut achever la phrase commencée…