Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/195

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Du moment qu’il était rivé à la vie, il devait s’assurer les moyens de vivre. Il ne pouvait être question pour lui de quitter la ville. La Suisse était l’abri le plus sûr ; et où aurait-il trouvé hospitalité plus dévouée ? — Mais son orgueil ne pouvait s’accommoder de l’idée de rester à la charge d’un ami. Malgré les protestations de Braun, qui ne voulait rien accepter, il ne fut pas tranquille jusqu’à ce qu’il eût quelques leçons de musique qui lui permissent de payer une pension régulière à ses hôtes. Ce ne fut pas chose facile. Le bruit de son équipée révolutionnaire s’était répandu : et les familles bourgeoises répugnaient à introduire chez elles un homme qui passait pour dangereux, ou en tout cas pour extraordinaire, par conséquent pour peu « convenable ». Cependant, sa renommée musicale et les démarches de Braun réussirent à lui ouvrir l’accès de quatre ou cinq maisons moins timorées, ou plus curieuses, peut-être désireuses par snobisme artistique de se singulariser. Elles ne furent pas les moins attentives à le surveiller

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