Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Brissot fut terrassé. La femme eut des raisons, cette fois, d’accuser le monde. Elle porta ses lamentations au pied des autels et dans les confessionnaux. Elle se mit dans la dévotion. Cela gêna bien la politique de Brissot : le cléricalisme n’était pas encore revenu à la mode ! — Le pauvre homme n’avait pas, pour le consoler, de Dieu ou d’hommes de Dieu. Il était durement frappé ; et seul, en face du portrait de la petite sur sa table de travail, il versa des larmes amères. La guerre fit diversion. Une activité forcenée lui fut un refuge contre sa pensée. Il fuyait sa maison, sa femme, et sa morte. Il les fuyait, hélas ! jusque dans des plaisirs où il achevait d’user le trop de force que les labeurs de la politique ne suffisaient pas à dépenser. Ses flagorneurs trouvaient là un autre trait de ressemblance avec Danton et sa ribote. Mais Brissot n’était point apaisé par la sienne. Il était homme de famille, comme presque tous les Français ; il avait besoin des affections domestiques : rien ne les remplace pour eux ; l’ambition, la gloire, le plaisir, dont ils semblent si avides, au fond, ne sont qu’un « Ersatz ». Brissot ne se consolait point de n’avoir pas de fils.

Il savait que le fils d’Annette était le sien.