Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/212

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— « Bien ! À votre aise ! »

Elle se remit à sa machine, la bouche serrée. Elle était décidée, à la fin de la journée, à rendre au maître son tablier. Et en même temps, son amour-propre lui soufflait : — « Tu n’es guère brave ! Tu détales. N’es-tu pas de force ?… » Elle eût mieux fait de ne pas l’écouter. C’est le diable, en chaque femme. Timon le connaissait. Il ne disait rien ; mais son regard narguait : — « Tu as peur… Ma pauvre vieille, et de quoi donc ?… »

Elle n’eût pourtant pas cédé si, le soir venu, quand ils achevaient le travail, une jeune femme n’était entrée. Très jeune, très frêle et très jolie. Elle avait encore l’air d’une enfant. Annette vit que Timon l’attendait. Elle était très intimidée. Parée comme une petite châsse, elle semblait neuve et gênée dans ses jolis et frais atours. Timon dit à Annette :

— « Fini, le turbin !… Prépare-toi ! »

Et il sortit, pour un moment. Annette, se levant, s’enfonçait sa cloche sur la tête, grondant tout haut entre ses dents :

— a Tu peux m’attendre, je n’irai pas. »

Elle sortait, en coup de vent, lorsque la petite visiteuse, à qui elle n’avait plus prêté attention, la retint timidement par le bras, chuchotant :

— « Oh ! Madame, est-ce que vous ne venez pas ? »

Annette la regarda :

— « Qu’est-ce que ça vous fait ? »

La petite, sans s’expliquer, disait, lui serrant le bras :

— « Venez ! »

Annette, encore froncée, fixait l’enfant, se détendit, sourit de ce brusque accès de confiance. Elle regarda mieux. Il y avait dans ces yeux un muet appel. Par un de ses absurdes élans, elle se sentit immédiatement la poule couveuse qui ouvre l’aile. Rien qu’un éclair. Mais ce fut le moment où Timon, rentrant dans la