Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/384

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George et Assia passaient les journées à courir dans la montagne. Entre deux passions tiraillée, — l’amour de l’enfant et le sport — George avait fini par céder l’enfant à Annette, qui s’offrait à l’en décharger. Elle avait un peu honte ; mais tant pis ! Ses jambes et sa poitrine et tout son corps de jeune pouliche criaient vers la course, vers les cimes et le soleil. Annette ne se plaignait pas de la corvée : elle avait d’abord voulu les suivre, avec une fougue trop confiante en ses prouesses d’alpinisme, aux jours d’hier ; mais son cœur s’était chargé de lui rappeler qu’entre hier et aujourd’hui il s’était écoulé une vie. En plein élan d’une grimpée, elle avait dû s’arrêter, percée d’une flèche. Elle suffoquait ; mais elle fit en sorte que les trois autres ne s’en aperçussent point :

— « Allez, jeunesse ! Je vais à mon pas. »

Elle feignait de s’attarder à cueillir des fleurs. Les grimpeurs qui riaient s’éloignèrent. Elle resta seule, assise au-dessus de la vallée, mouillée de sueur, moins de la montée, que du brusque assaut à son cœur. Elle reprenait souffle, et sa main qui comprimait sous la gorge l’artère tâtait dans son champ l’ennemi. Elle était forcée de reconnaître ses limites ; la