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émile

il sait souffrir avec constance, parce qu’il n’a point appris à disputer contre la destinée. A l’égard de la mort, il ne sait pas encore bien ce que c’est ; mais, accoutumé à subir sans résistance la loi de la nécessité, quand il faudra mourir il mourra sans gémir et sans se débattre ; c’est tout ce que la nature permet dans ce moment abhorré de tous. Vivre libre et peu tenir aux choses humaines, est le meilleur moyen d’apprendre à mourir.

En un mot, Emile a de la vertu tout ce qui se rapporte à lui-même. Pour avoir aussi les vertus sociales, il lui manque uniquement de connaître les relations qui les exigent ; il lui manque uniquement des lumières que son esprit est tout prêt à recevoir.

…Trouvez-vous qu’un enfant ainsi parvenu à sa quinzième année ait perdu les précédentes ?

Nos passions sont les principaux instruments de notre conservation : c’est donc une entreprise aussi vaine que ridicule de vouloir les détruire ; c’est contrôler la nature, c’est réformer l’ouvrage de Dieu.

Je trouverais celui qui voudrait empêcher les passions de naître presque aussi fou que celui qui voudrait les anéantir.

Mais raisonnerait-on bien si, de ce qu’il est dans la nature de l’homme d’avoir des passions, on allait conclure que toutes les passions que nous sentons en nous et que nous voyons dans les autres sont naturelles ?

…Toutes celles qui nous subjuguent et nous détruisent nous viennent d’ailleurs ; la nature