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julie ou la nouvelle héloïse

un cercle en faveur des absents et de la vérité, dans son lit contre les attaques de la douleur et de la mort. La force de l’âme qui l’inspire est d’usage dans tous les temps ; elle met toujours la vertu au-dessus des événements, et ne consiste pas à se battre, mais à ne rien craindre.

…Tout le reste n’est qu’étourderie, extravagance, férocité ; c’est une lâcheté de s’y soumettre, et je ne méprise pas moins celui qui cherche un péril inutile que celui qui fuit un péril qu’il doit affronter.

…Tout cela, joint à mon aversion naturelle pour la cruauté, m’inspire une telle horreur des duels que je les regarde comme le dernier degré de brutalité où les hommes puissent parvenir. Celui qui va se battre de gaieté de cœur n’est à mes yeux qu’une bête féroce qui efforce d’en déchirer une autre ; et, s’il reste le moindre sentiment naturel dans leur âme, je trouve celui qui périt moins à plaindre que le vainqueur.

…Combien de grands noms retomberaient dans l’oubli, si l’on ne tenait compte que de ceux qui ont commencé par un homme estimable ! Jugeons du passé par le présent : sur deux ou trois citoyens qui s’illustrent par des moyens honnêtes, mille coquins anoblissent tous les jours leur famille ; et que prouvera cette noblesse dont leurs descendants seront si fiers, sinon les vols et l’infamie de leur ancêtre ? On voit, je l’avoue, beaucoup de