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jean-jacques rousseau

de son pays. » Dans sa critique de tous les gouvernements, « il en établit un seul et le propose en exemple » : c’est celui de Genève.

Il ne fait pas moins hautement profession de protestantisme, bien que les circonstances l’aient amené, dans sa jeunesse, à se laisser convertir au catholicisme. Mais il rentre solennellement dans l’église protestante réformée, en 1754, en plein éclat de sa gloire naissante ; et il ose proclamer : « Je suis confesseur de la foi protestante, à Paris ». Et quelque fureur que soulève parmi la coterie des pasteurs de Genève et de Neuchâtel son large christianisme du cœur, tolérant et humain, il atteste qu’il a toujours « suivi du plus près qu’il a pu la doctrine de l’Evangile… Je l’ai aimée, je l’ai adoptée, étendue, expliquée, je m’y suis attaché avec tout le zèle de mon cœur. Tous mes écrits respirent le même amour pour l’Evangile et la même vénération pour Jésus-Christ. Rien ne se peut comparer à l’Evangile. Il faut conserver ce livre sacré comme la règle du maître, et les miens comme les commentaires de l’écolier. » A l’époque de ses plus grands triomphes à Paris, parmi l’aristocratie de cour et les philosophes encyclopédistes, ennemis de Dieu, sa lecture ordinaire du soir est la Bible, et il la lit, d’un bout à l’autre, cinq ou six fois de suite, dans le recueillement de ses longues insomnies. Il se dit, avec quelque exagération, « le seul homme en France qui croie en Dieu ».

La République et Dieu, — ce double amour,