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jean-jacques rousseau

cette double foi, il les a bus aux mamelles de Genève ; et c’est ce lait qui a fait son sang. C’est par là qu’il se distingue, à Paris, de tous les écrivains français de son temps.

Ajoutons pourtant que, tout en maintenant orgueilleusement son indépendance genevoise, il a toujours témoigné d’une prédilection pour la France. Il a cherché en vain à s’en défendre ; il avoue qu’il a toujours ressenti une telle partialité pour la France que « le cœur lui battait de joie à ses moindres avantages, et que ses revers l’affligeaient comme s’ils fussent tombés sur lui

Sa famille était, d’ailleurs, d’origine française. Il descendait de réfugiés protestants, chassés de France. Sa mère, belle et spirituelle, Suzanne Bernard, mourut en lui donnant le jour. Du côté paternel, tous ses ascendants avaient été des artisans horlogers, robustes et intelligents. Le père, Isaac Rousseau, était bon, mais léger, violent, remuant, vagabond, coureur d’aventures, passionné de lectures. Il inculqua le goût de celles-ci à son garçon, et lui transmit son humeur errante. Le père et l’enfant, qui avait alors six à sept ans, se grisaient de romans. Ils y passaient les nuits. « Quelquefois le père, entendant le matin les hirondelles réveillées, disait tout honteux : Allons nous coucher, je suis plus enfant que toi… »

Mais son meilleur maître, son Mentor, qui le suivit de l’enfance à la mort, ce fut Plutarque. « A six ans, Plutarque me tomba sous