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jean-jacques rousseau

paresse ; mais cette paresse est incroyable : tout l’effarouche ; les moindres devoirs de la vie civile lui sont insupportables ; un mot à dire, une lettre à écrire, une visite à faire, dès qu’il le faut, sont pour moi des supplices »…

Tous ses efforts de jeunesse pour parvenir n’avaient pour but que « la retraite et le repos ». Dès l’instant qu’il pouvait en jouir, il se hâtait de les saisir…

Son propre démon allait se charger de les détruire.

Seul enfin, dans son « Hermitage », et savourant à longs traits ce que ses fils, les romantiques allemands, devaient nommer la « Sehnsucht », « Wonne der Wehmut », « Bonheur des larmes », etc. — la voluptueuse mélancolie, qu’il a décrite en des pages admirables, de se sentir « au déclin de l’âge » (il avait 44 ans !) et « dévoré du besoin d’aimer, sans jamais l’avoir pu satisfaire », il s’abandonna à des rêveries de volupté.

« C’était juin, sous des bocages frais, au chant du rossignol, au gazouillement des ruisseaux… » Il s’entoura « d’un sérail de houris ». De ce troupeau il se nommait lui-même « le berger extravagant ». Bientôt, ses rêves prirent forme ; lui apparurent les héroïnes de ce qui devait devenir son immortel roman : « La nouvelle Héloïse », — la blonde Julie et Claire la brune. Il errait avec elles dans la forêt de Montmorency. Pour se rendre maître de ses songes, il commença par rédi-