Page:Rolland Clerambault.djvu/35

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Les exclamations de douleur et de colère se croisaient sur le fil. Maxime écoutait les détails, qu’il redisait aux siens, d’une voix hachée. Rosine avait ramené Clerambault près de la table. Il s’assit, écrasé. L’ombre d’un malheur immense, tel le Destin antique, pesait sur la maison. Ce n’était pas seulement l’ami, dont la disparition serrait le cœur, — le bon, le joyeux visage, la main cordiale, la voix qui dissipait les nuées… C’était le dernier espoir des peuples menacés, le seul homme qui pût (ils le croyaient du moins, avec une confiance enfantine et touchante) conjurer l’orage amassé. Lui tombé, comme Atlas, le ciel croulait.

Maxime courut à la gare. Il allait prendre les nouvelles à Paris et promettait de revenir, dans la nuit. Clerambault resta à la maison isolée, d’où l’on voyait au loin la grande phosphorescence de la Ville. Il n’avait pas bougé de la chaise où il s’était affalé, dans un état de stupeur. La catastrophe était en marche ; cette fois, il n’en doutait plus : déjà, elle était entrée. Mme Clerambault tâcha de le faire coucher : il ne voulut rien entendre. Sa pensée était en ruines ; il n’y pouvait rien distinguer de ferme et de constant, faire l’ordre, suivre une idée. Sa demeure intérieure s’était effondrée ; dans la poussière qui s’élevait des plâtras, impossible de voir ce qui restait intact, il semblait qu’il ne restât plus rien. Un amas de souffrances. Clerambault les contemplait d’un œil stupide, sans s’apercevoir de ses larmes qui coulaient.

Maxime ne revenait pas. Il avait été pris par l’exci-