Page:Rolland Clerambault.djvu/58

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Un des plus curieux effets de la guerre sur l’esprit fut qu’elle révéla entre les individus des affinités nouvelles. Des gens qui jusque-là n’avaient pas une pensée commune découvraient tout à coup qu’ils pensaient de même. Et ils se rassemblaient, puisqu’ils se ressemblaient. C’était ce qu’on nommait « l’Union Sacrée ». Des hommes de tout parti et de tout tempérament, des colériques, des flegmatiques, des monarchistes, des anarchistes, des cléricaux, des parpaillots, oubliaient subitement leur moi de tous les jours, leurs passions, leurs manies et leurs antipathies, laissaient tomber leur peau ; et l’on se trouvait en présence d’êtres nouveaux, qui se groupaient d’une façon imprévue, comme une poussière de limaille autour d’un aimant caché. Toutes les catégories anciennes avaient momentanément disparu, et l’on ne s’étonnait pas d’être maintenant plus proche d’un inconnu d’hier que d’amis de longue date. On eût dit que par-dessous terre, les âmes communiquassent par de secrets rhyzômes, qui s’étendaient au loin, dans la nuit de l’ins-