Page:Rolland Clerambault.djvu/60

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d’amis. Sa misanthropie prétendait qu’il n’en existait point sur terre, sinon par intérêt, il n’avait d’affection que pour la famille de sa sœur. Encore ne la manifestait-il guère qu’en blâmant tout ce qu’ils faisaient. Il était de ces gens dont la sollicitude inquiète fait âprement le procès à celui qu’ils aiment, quand ils le voient souffrant, et s’acharnent à prouver qu’il souffre par sa faute. On ne s’en émouvait pas beaucoup chez les Clerambault. Même il ne déplaisait pas à Mme Clerambault, un peu molle, d’être ainsi bousculée. Quant aux enfants, ils savaient que ces rebuffades s’accompagnaient de petits cadeaux : ils empochaient les cadeaux et laissaient pleuvoir le reste.

À l’égard de son beau-frère, l’attitude de Léo Camus avait, au cours des ans, varié. Quand sa sœur avait épousé Clerambault, Camus ne s’était pas gêné pour blâmer ce mariage. Un poète inconnu ne lui semblait pas « sérieux ». Poète, (poète inconnu), c’est un prétexte pour ne pas travailler !… Ah ! quand on est « connu », c’est une autre affaire ! Camus estimait Hugo ; et même, il était capable de réciter des vers des Châtiments ou d’Auguste Barbier. Mais ils étaient « connus ». Tout est là… Or, voici que précisément, Clerambault était devenu « connu ». Le journal de Camus le lui avait un jour appris. De ce jour, Camus avait consenti à lire les poésies de Clerambault. Il ne les comprenait pas ; mais il ne leur en savait pas mauvais gré ; il aimait à se dire « vieux jeu », il lui semblait établir ainsi sa supériorité. Ils sont beaucoup comme lui, dans le monde, à s’enorgueillir de leur incompré-