Page:Rolland Clerambault.djvu/61

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hension. Ne faut-il pas que chacun se targue, les uns de ce qu’ils ont, les autres de ce qu’ils n’ont point ? Camus convenait d’ailleurs que Clerambault savait « écrire ». (Il était du métier !) Il eut pour son beau-frère des égards grandissants avec les éloges des journaux, et il aimait à deviser avec lui. De tout temps, il avait apprécié, sans le dire, sa bonté affectueuse ; et ce qui lui plaisait aussi, en ce grand poète, (car maintenant il le nommait tel), c’était son incapacité manifeste en affaires, son ignorance pratique : sur ce terrain Camus était son maître, et il le lui faisait bien voir. Clerambault avait une confiance naïve dans les hommes. Rien ne pouvait mieux convenir au pessimisme agressif de Camus. Cela le tenait en haleine. Le meilleur de ses visites était consacré à réduire en miettes les illusions de Clerambault. Mais elles avaient la vie dure. C’était à recommencer, à chaque fois. Camus s’en irritait, avec un secret plaisir. Il lui fallait un prétexte continuellement renouvelé pour trouver le monde mauvais et les hommes imbéciles. Surtout, il ne faisait grâce à aucun homme politique. Cet employé du gouvernement haïssait tous les gouvernements. Ce qu’il eût voulu à la place, il eût été bien en peine pour le dire. La seule forme politique qu’il comprît était l’opposition. — Il souffrait d’une vie gâchée, d’une nature comprimée. Il était fils de paysans et fait pour cultiver ses vignes, comme son père, ou bien pour exercer, comme chien de garde, sur le petit peuple des champs, ses instincts d’autorité. Mais les maladies de la vigne étaient