Page:Rolland Clerambault.djvu/67

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sortir de la chambre, à la fin de la lecture. L’amour-propre de Clerambault le remarquait ; et il eût voulu avoir l’opinion de sa fille ; mais il trouvait plus prudent de ne pas la lui demander. Il préférait se persuader que la fuite de Rosine venait de son émotion et de sa timidité. Tout de même, il était vexé. — Mais les suffrages du dehors lui firent oublier cette petite blessure. Les poèmes avaient paru dans les journaux bourgeois ; ils valurent à Clerambault le plus éclatant succès de sa carrière. Aucune autre de ses œuvres n’avait soulevé cet enthousiasme unanime. Un poète est toujours bien aise de s’entendre affirmer que sa dernière œuvre est la meilleure ; et il l’est encore plus, lorsqu’il sait qu’elle est la moins bonne. Clerambault le savait parfaitement. Aussi savourait-il avec une vanité enfantine les flagorneries de la presse. Le soir, il les faisait lire à haute voix par Camus, dans le cercle de famille. Il rayonnait en les entendant ; lorsque c’était fini, il eût presque dit :

— Encore !

La seule note un peu fausse dans ce concert d’éloges lui vint de Perrotin. (Décidément, il s’était bien trompé sur le compte de celui-là ! Ce n’était pas un vrai ami…) Sans doute, le vieux savant, à qui Clerambault avait envoyé le recueil de ses poèmes, l’en avait félicité poliment ; il louait son grand talent ; mais il ne lui disait pas que ce livre était sa plus belle œuvre ; il l’engageait même, « après avoir offert son tribut à la Muse guerrière, à écrire maintenant une œuvre de rêve pur, dégagée du présent ». — Que voulait-il insinuer ? Est-