Page:Rolland Clerambault.djvu/92

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Elle en appela au jugement de son mari. Clerambault, dont les yeux las, vagues et douloureux, commençaient à comprendre, regarda Rosine qui se taisait, le front baissé, attendant sa réponse. Et il dit :

— Ma petite a raison.

Rosine rougit de saisissement (elle ne s’y attendait pas). Elle leva vers lui ses yeux qui le remerciaient ; leur regard semblait dire :

— Enfin ! je t’ai retrouvé !

Après le bref repas, tous trois se séparèrent : chacun se rongeait à part. Devant sa table de travail, Clerambault, la figure enfoncée dans ses mains, pleurait. Le regard de sa fille avait détendu son cœur, raidi de douleur : c’était son âme perdue, depuis des mois étouffée, la même qu’avant la guerre, qu’il avait retrouvée : et elle le regardait

Il essuya ses larmes, écouta à la porte Sa femme, comme tous les soirs, dans la chambre de Maxime, enfermée à double tour, dérangeait et rangeait le linge, les effets du mort Il entra dans la pièce où Rosine était seule, assise près de la fenêtre, et cousait. Elle était absorbée dans ses pensées : elle ne l’entendit venir que lorsqu’il était là, devant elle ; il appuyait contre elle sa tête grisonnante, et disait :

— Ma petite fille !

Alors son cœur se fondit aussi. Elle laissa tomber son ouvrage, elle prit entre ses mains la vieille tête aux cheveux rudes, et dit, mêlant ses larmes à celles qu’elle voyait couler :

— Mon cher papa !…