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le théâtre du passé

formes politiques, et raisonnant sur toutes, contribuèrent à l’élaboration de la puissante machine politique du dix-septième siècle. À eux s’adressent les discussions de Cinna, de Sertorius, d’Othon. Si pénétrantes qu’elles soient, quel intérêt vivant ont-elles gardé pour nous ? Sans doute notre temps, comme celui de Corneille, est un temps de politique, âprement attaché à résoudre des problèmes de gouvernement et de vie sociale, à trouver une formule nouvelle qui satisfasse nos exigences intellectuelles et morales. Mais les questions qui nous occupent sont différentes de celles d’il y a deux cents ans ; et en politique, on ne s’intéresse qu’aux questions présentes. Les raisons de Cinna et de Maxime n’ont pas perdu leur prix ; mais ce sont (comme presque toujours chez Corneille) discours d’aristocrates, rompus à la pratique des affaires, et méprisants du peuple. Que le peuple s’en défie. Au fond, ces discussions contraires mènent presque toujours à l’apothéose de la monarchie, et de la paix victorieuse qui suit les longues guerres. On comprend que Napoléon ait fait servir Cinna à ses desseins, et que Talma l’ait joué à Erfurt, devant les rois vaincus. Mais aujourd’hui, de tels spectacles sont déplacés et sonnent faux. Et quant à les donner au peuple pour leur grandeur d’art, quelles que soient les idées qui y sont exposées, c’est d’un dilettantisme qu’il sied peu d’encourager.

Un petit nombre seulement des œuvres de Corneille me semblent accessibles à la foule : — Horace, dont les cris d’héroïsme sauvage sont bien faits, — un peu trop, — pour remuer les masses. Même le procès de la fin n’est pas sans une grandeur populaire qui échappe au public actuel. Malheureusement la langue est souvent

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