Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grine, ouvre sa gueule immense, caverne de mort d’où rauque le rugissement… Naoh voit s’éloigner le lion géant vers les ténèbres où il pourra dresser son piège…

— Aucune bête ne peut nous combattre ! s’exclame le chef avec un rire de défi.

Depuis un moment, Nam a tressailli. Le dos tourné au feu, il suit du regard, à l’autre rive, un reflet qui rebondit sur les eaux, s’infiltre parmi les saules et les sycomores. Et il murmure, la main tendue :

— Fils du Léopard, des hommes sont venus !

Un poids descend sur la poitrine du chef, et tous trois unissent leurs sens. Mais les rives sont désertes, ils n’entendent que le clapotement des eaux ; ils ne distinguent que des bêtes, des herbes et des arbres.

— Nam s’est trompé ? interroge Naoh.

Le jeune homme répond, sûr de sa vision :

— Nam ne s’est pas trompé… Il a aperçu les corps des hommes, parmi les branches des saules… Ils étaient deux.

Le chef ne doute plus ; son cœur se convulse entre l’angoisse et l’espérance. Il dit tout bas :

— C’est ici le pays des Oulhamr. Ceux que tu as vus sont des chasseurs ou des éclaireurs envoyés par Faouhm.

Il s’est levé, il développe sa grande stature. Car il ne servirait à rien de se cacher : amis ou ennemis savent trop la signification du Feu. Sa voix clame :

— Je suis Naoh, Fils du Léopard, qui a conquis le feu pour les Oulhamr. Que les envoyés de Faouhm se montrent !

La solitude demeure impénétrable. La brise même s’est assoupie et la rumeur des fauves ; seuls le ronflement des flammes et la voix fraîche de la rivière semblent s’accroître.

— Que les envoyés de Faouhm se montrent ! répète