Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/95

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— La rive est pleine de proies ! répondit Naoh. Le lion est sage ; il attaquera plutôt l’antilope ou le cerf que les hommes !

Le rugissement s’éloigna ; des chacals glapirent et l’on vit sinuer leurs silhouettes légères. Les Oulhamr dormirent alternativement jusqu’à l’aube. Ensuite, ils se remirent à descendre la rive du Grand Fleuve. Des mammouths les arrêtèrent. Leur troupeau couvrait une largeur de mille coudées et une longueur triple ; ils pâturaient, ils arrachaient les plantes tendres, ils déterraient les racines, et leur existence parut, aux trois hommes, heureuse, sûre et magnifique. Quelquefois, se réjouissant dans leur force, ils se poursuivaient sur la terre molle ou s’entre-frappaient doucement de leurs trompes velues. Sous leurs pieds immenses, le lion géant ne serait qu’une argile ; leurs défenses déracineraient les chênes, leurs têtes de granit les briseraient. Et, considérant la souplesse de leurs trompes, Naoh ne put s’empêcher de dire :

— Le mammouth est le maître de tout ce qui vit sur la terre !

Il ne les craignait point : il savait qu’ils n’attaquent aucune bête, si elle ne les importune pas.

Il dit encore :

— Aoûm, fils du Corbeau, avait fait alliance avec les mammouths.

_ Pourquoi ne ferions-nous pas comme Aoûm ? demanda Gaw.

— Aoûm comprenait les mammouths, objecta Naoh ; nous ne les comprenons pas.

Pourtant, cette question l’avait frappé ; il y rêvait, tout en tournant, à distance, autour du troupeau gigantesque. Et, sa pensée se traduisant tout haut, il reprit :

— Les mammouths n’ont pas une parole comme les hommes. Ils se comprennent entre eux. Ils connaissent