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LE VOL DE LA MARSEILLAISE.



Le troisième jour, comme il ne disait rien.
Moi qui l’avais connu plus raconteur naguère,
Je m’approchai de l’homme et je lui dis : « Eh bien.
Cette guerre ? »

« Oh ! » dit-il, en levant ses deux petits yeux d’or
Qui n’avaient si longtemps vu que les Pyrénées,
« Oh !... » Et ses yeux avaient des prunelles encor
Étonnées.

Et comme sur son front la marque du béret
Commençait d’effacer un peu celle du casque,
Je supposais déjà qu’il ne me répondrait
Que du basque ;

Mais il dit, en français : « Oh ! je ne savais pas
Que la France... c’était tant de choses ! » Puis, grave,
Le faucheur se remit à cadencer son pas
Dans l’emblave.

Voilà ce que, du gouffre, il rapporte aux sommets :
Ce mot ! — Ah ! donne-moi la main, le ciel s’enflamme !
Toi-même, comprends-tu tout ce mot, que je mets
Dans mon âme ?