Page:Rougemont, De Courcy, Dupeuty - Le Courrier de la malle, 1832.djvu/36

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et se met à la plumer.) J’étais faite pour les Châlons, moi : née native de Châlons-sur-Vesle, et me voilà maintenant en service à Châlons-sur-Saône : c’est assez cocasse, tout d’même. (On sonne.) Tiens ! Voilà le premier qui sonne ; c’est notre gros homme qui se réveille : c’est pas malheureux ! après avoir fait deux fois le tour du cadran… Quel dormeur que ce gros homme-là ! il doit être du pays des marmottes.

Prudhomme, entrant par la porte à droite.
Eh bien ! la fille, vous n’entendez donc pas que j’appelle le garçon ?

Jacqueline, sans se déranger.
Dame… écoutez donc, Bastien soigne les chevaux, moi je plume une oie ; on ne peut pas s’occuper de tout le monde en même temps.

Prudhomme, lui remettant une clef.
Voilà la clef de ma chambre. Je l’ai trouvé petite, ma chambre. Préparez-moi mon déjeuner, ma chère… Comment vous appelle-t-on ?

Jacqueline
Jacqueline.

Prudhomme
Jacqueline… Vous avez là un bien vilain nom, ma chère. Mon épouse s’appelle Foedora ; c’est un nom étranger : en russe, cela veut dire girafe.

Jacqueline, riant et venant à lui.
Ah ! ce nom… girafe !

Prudhomme
Si j’en juge par vous, les filles de Châlons-sur-Marne ont un bien beau sang !

Jacqueline.
Qu’est-ce donc qui vous a dit que c’était mon pays ?

Prudhomme
Moi, ma chère, je suis de Paris, la capitale des beaux-arts, la moderne Athènes. Allâtes-vous à Paris ?

Jacqueline
Nous, pas encore.

Prudhomme
Vous eûtes tort, si vous le pûtes.

Jacqueline, étonnée.
Hein ?... Comment que vous dites ça ?

Prudhomme:
Prétérit indéfini. C’est un temps que j’affectionne et dont l’usage m’est familier. Je tiens cette habitude de feu monsieur Lhomond, célèbre grammairien, dont j’ai eu l’avantage de tailler les bouts d’ailes ; car il se servait de bouts d’a