Page:Rouquette - Meschacébéennes, 1839.djvu/126

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Là, comme à Bonfouca, sous les mélèzes verts,
Soucieux, je m’isole et compose des vers,
Et, tout en relisant Byron ou Sainte-Beuve,
J’erre, par la pensée, aux déserts du vieux fleuve ;
Solitaire, j’écoute, incliné sur les eaux,
Son murmure sans fin d’harmonieux roseaux,
Ces bruits mystérieux des lianes plaintives,
Des longs cyprès voilés qui pleurent sur ses rives,
Poëte insoucieux, sans suivre aucun chemin,
Sur les ondes bercé, la pagaie à la main,
Ainsi qu’un bois flottant, au souffle de la brise,
Je laisse dériver ma pirogue indécise,
Et, l’oreille attentive à de lointains accords,
Les yeux clos à demi, je rêve et je m’endors…

Et puis, quand au couchant un dernier rayon brille,
Quand du riant jardin on va fermer la grille,
Avant que de partir, d’un signe, d’un coup d’œil,
D’un geste ami, je vais saluer le chevreuil,
Innocent orphelin que le destin condamne
A vivre, comme moi, loin de la Louisiane,
Loin des vierges forêts du vieux Michasippi….
Captif dans un enclos je le vois assoupi ;
Ainsi qu’au bois natal, il sommeille tranquille :
Et moi, près de l’enclos, haletant, immobile,